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Il a le nobel, donc l’oreille des journalistes...
Albert Fert, prix nobel de physique 2007, trouve le budget de la recherche 2009 "décevant"
3 octobre 2008
jeudi 16 octobre 2008
par PL
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Albert Fert, prix nobel de physique 2007, trouve le budget de la recherche 2009 "décevant"

http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2008/10/albert-fert-pri.html

Libération a publié aujourd’hui une interview d’Albert Fert, le prix Nobel de Physique 2007. Ce même jour, le physicien participe à la séance d’ouverture de l’Université d’automne de Sauvons la recherche, à Toulouse. Une réunion qui devient une tradition, même si cette organisation, créée en 2003 pour protester contre les coupes claires dans les budgets et les postes de la recherche publique, est encore toute jeune.

Le contexte de cette assemblée, c’est bien sûr le budget 2009 de la recherche et de l’enseignement supérieur. Un budget, dit la ministre Valérie Pécresse, "très bon".... alors qu’il est qualifié de "très mauvais", par Bertrand Monthubert, le président de SLR.

Pour la ministre, il représente une augmentation de « près d’un milliard d’euros de crédits budgétaires supplémentaires, par rapport à l’an dernier. Le budget 2009 représenterait une augmentation de "964 millions d’euros de dépenses budgétaires et 655 millions d’euros de dépenses fiscales. Ce qui se traduira, par exemple, par une hausse de 4,6% des moyens du Cnrs ». Au total, insiste t-elle : « les crédits augmentent de 1000 euros par étudiant ; ce qui signifie un arbitrage en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur en des temps de contraintes budgétaires renforcés ». Valérie Pécresse se félicite par ailleurs de n’avoir diminué les effectifs statutaires que de 900,soit un emploi de fonctionnaire sur 12 départ à la retraite, contre un sur trois en général. Elle espère d’ailleurs qu’aucun poste de chercheur et d’universitaire ne serait touché, en proposant aux Universités et organismes de recherche de faire porter l’effort uniquement sur les emplois de techniciens ou de service.

La présentation ministérielle du budget veut convaincre qu’il s’agit d’une croissance vive des dépenses publiques en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur, une "promesse du président de la République", martèle Valérie Pécresse. Voici la présentation power point diffusée par le ministère aux journalistes. L’aide à la recherche privée représente 57% des crédits nouveaux, soit 498 millions d’euros. Le crédit d’impot recherche pour les entreprises augmente de 620 millions d’euros. Sur ce point, la ministre annonce que l’augmentation considérable du CIR serait compensée par la diminution de 122 millions d’euros des subventions directes aux entreprises pour la recherche, somme qui se retrouverait dans le soutien budgétaire à la recherche publique.

Il n’est pas exclu que le CIR ait en fait explosé au delà des prévisions de Bercy en raison de critères d’attribution trop favorables aux grandes entreprises. Côté effectif, la ministre doit évidemment composer avec la régle du "moins de fonctionnaires". Elle a usé de toute les ficelles pour atténuer le coup de manière à pouvoir afficher qu’il n’y aurait pas de diminuion des effectifs de chercheurs et d’enseignant-chercheurs. Très politique, aussi, la décision de couper strictement par moitié la diminution des 900 postes entre Universités et Organismes de recherche, soit 450 chacun. Une égalité qui n’a pas de raison comptable.

Bertrand Monthubert oppose une analyse différente de ce budget .« On nous ressert la même politique qui, en 2004, a soulevé la colère. Il faudrait des créations d’emplois pour améliorer l’encadrement des étudiants, booster la recherche, ils ne sont pas là. » Pas du tout convaincu par les chiffres annoncés, il prédit « une nouvelle diminution des dotations de base des laboratoires ». Et souligne qu’avec une augmentation moyenne de « 3,8% des crédits des organismes de recherche, on est à peine au dessus de l’inflation ». L’Université d’automne de SLR - de vendredi à dimanche, à Toulouse - sera aussi lieu de discussions entre forces syndicales afin d’organiser « une action contre la politique gouvernementale », espère Monthubert.

Voici, également l’interview d’Albert Fert.

Que pensez-vous du budget 2009 de la recherche ? Albert Fert : Les informations disponibles montrent que l’on aura pas beaucoup plus que l’inflation pour les organismes. C’est un peu décevant, nos dirigeants avaient promis mieux que cette quasi stagnation. Quant aux effectifs – le nerf de la recherche, c’est quand même les cerveaux ! - non seulement il n’y aura pas de création de postes de chercheurs ou d’enseignants-chercheurs, ni d’ingénieurs et techniciens, mais la diminution annoncée du nombre de bourses de thèses du ministère va accentuer une des faiblesses de notre système. En particulier la relation entre le système académique, universités et organismes de recherche, et les entreprises. La proportion d’ingénieurs titulaires d’un doctorat et familiers de la recherche universitaire est plus faible dans les entreprises françaises qu’en Allemagne ou aux Etats Unis. Cela fait que nous, universitaires et chercheurs, avons des difficultés à trouver de bons interlocuteurs dans les entreprises, même si mon cas personnel, avec Thomson puis Thalès, est un contre-exemple instructif de relations fructueuses initiées par des liens entre personnes ayant fréquenté les mêmes laboratoires d’Orsay. Il faut valoriser le diplôme de docteur es-sciences dans les entreprises, encourager ainsi les élèves ingénieurs à préparer des doctorats, se créer des réseaux de travail, et d’amitiés, qui sont souvent ce qui permet le transfert de la recherche vers l’entreprise et favorise l’innovation tant vantée par nos responsables politiques. Le système de recherche change, qu’en pensez-vous ? Albert Fert : Nous sommes au cœur d’un long processus d’évolution de notre système de recherche. Marqué par la création de l’Agence Nationale de la Recherche qui finance des projets individuels sur deux ou trois années, l’autonomie des universités, un Cnrs qui se transforme pour s’adapter à cette nouvelle donne… En juin dernier, après des négociations difficiles, nous sommes arrivés à un schéma qui satisfaisait plutôt les chercheurs en réaffirmant l’autonomie du Cnrs, son budget global, une structure en instituts rattachés à la direction de l’organisme, condition indispensable à l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie scientifique globale, la promotion d’actions interdisciplinaires, la programmation des grands équipements. Mais cette base de départ n’a pas tout réglé. Il y a encore un grand flou sur les sciences de la vie – où il faut organiser les relations entre plusieurs pôles forts avec le CNRS, l’Inserm et le CEA -, et sur l’informatique. En revanche, il semble clairement acté que le Cnrs devrait jouer le rôle majeur en physique, chimie. Il est décisif de disposer de bons outils pour structurer la recherche sur le long terme. Et tant que n’auront pas émergé de grandes universités en capacité de jouer un rôle important de ce point de vue, il est crucial de permettre aux grands organismes de recherche de développer une politique scientifique cohérente, tant au plan national et des relations internationales qu’au niveau des laboratoires. Les projets individuels de court terme tels que financés par l’ANR n’ont pas vocation à jouer ce rôle… et peuvent même déstabiliser certains laboratoires. Il faut un bon équilibre entre les dotations de l’ANR et celles des organismes. Pour l’ANR, je me réjouis que le ministère tienne sa promesse, sur la forte insistance des scientifiques, d’augmenter la part du programme « blanc », non thématisé, qui devrait passer d’environ un quart à près de 35% du budget.

Publié le 3 octobre 2008