Z Magazine, Juin 2009
Le Côté Obscur des Journaux en Ligne
Les éditeurs commerciaux dominent la production académique de journaux en ligne.
mardi 28 juillet 2009
par atravert
Lisa Richmond, directrice de la bibliothèque de Wheaton College, Illinois, USA.

College & Research Libraries, peut-être la plus éminente revue traitant des questions des bibliothèques universitaires aux États-Unis a récemment publié un article offrant une synthèse des principaux avis sur la transition des versions papier aux versions électroniques des revues académiques actuellement en cours. Les deux premières des cinq recommandations de l’auteur traitent spécifiquement de cette transition : « terminer la migration de l’imprimé vers les collections électroniques », conseille-t-il, et « abandonner l’héritage des collections imprimées » (c’est-à-dire, jeter les versions papier). Je souligne que ces recommandations sont en pleine adéquation avec l’opinion dominante des bibliothécaires ; il n’est pas dans mon intention de critiquer un bibliothécaire ou un article en particulier. Pourtant, avant que les bibliothèques ne décident d’aller davantage dans le sens de ces recommandations, il est nécessaire de mieux comprendre l’économie de l’édition académique.

Jusque vers les années 1960, les organisations à but non lucratif, telles que les sociétés savantes et les institutions universitaires, ont été les principaux éditeurs de travaux universitaires. Theodore Bergstrom, économiste à l’Université de Californie-Santa Barbara, révèle les changements qui ont eu lieu dans un champ académique – l’économie - depuis cette époque. Selon Bergstrom, il existait 30 revues d’économie de langue anglaise en 1960, et la quasi-totalité d’entre elles été publié par des entités à but non lucratif. En 1980, le nombre de ces journaux est passé à 120 et environ la moitié été publiée par des sociétés commerciales. En l’an 2000, il y avait 300 journaux, dont les deux tiers publiés par des entités commerciales (Theodore C. Bergstrom, "Free Labor for Costly Journals ?" Journal of Economic Perspectives 15.3, 2001).

Ces deux évolutions, augmentation du nombre de revues et augmentation de la part de marché des éditeurs commerciaux, se retrouvent dans de nombreuses disciplines universitaires. L’augmentation du nombre de journaux est le résultat de l’expansion de l’enseignement supérieur depuis les années 1960, de l’augmentation du financement de la recherche, en particulier dans le domaine des sciences, et de l’accent mis sur la recherche et la publication dans tous les domaines de l’enseignement supérieur.

Mais quel phénomène contribue à l’augmentation de la part des revues académiques dans les mains des éditeurs commerciaux ? L’une des raisons largement reconnue est que les éditeurs commerciaux ont été meilleurs en matière d’innovation, d’identification (et peut-être de création) de nouveaux marchés et de lancement de nouveaux titres. Quand l’enseignement supérieur s’est accru rapidement dans les années 1960-1970 et que plus d’argent est allé à la recherche, ce sont surtout les éditeurs commerciaux, et pas les sociétés savantes, qui ont bougé rapidement pour répondre à la nouvelle demande de supports de publications. La seconde raison est que les éditeurs commerciaux ont activement encouragé les sociétés savantes et d’autres entités à but non-lucratif à renoncer à leurs journaux, ou au moins à entrer dans des contrats d’édition avec eux. Faute de l’expertise technique – capitale – et des économies d’échelle réalisées par les éditeurs commerciaux, de nombreuses sociétés savantes et autres ont trouvé de telles offres attractives, notamment lorsque les journaux ont commencé à apparaître en ligne.

Aussi, des secteurs de l’enseignement et de la recherche ont-ils bénéficié d’une certaine manière de la transition vers des éditeurs commerciaux. Mais depuis quelque temps déjà, les économistes qui ont étudié le marché des revues savantes ont noté certains faits troublants. Une étude menée en 2001 a constaté que le prix d’une revue savante publiée par des éditeurs non-commerciaux était en moyenne de 50-75% plus faible que le prix d’un journal de qualité comparable publié par des éditeurs commerciaux (Mark J. McCabe, « The Impact of Publisher Mergers on Journal Prices : Theory and Evidence » Serials Librarian 40.1/2, 2001). Une autre étude réalisée en 2001, portant uniquement sur des revues d’économie, a révélé que « le coût par page » de titres publiés commercialement était 6 fois plus élevé et « le coût par citation » était 16 fois supérieur à celui de titres de qualité similaire publiés par des entités à but non lucratif. Ce chercheur a noté que, bien que seulement 5 des 20 revues d’économie les plus citées aient été publiées par des éditeurs commerciaux, ces éditeurs "absorbent la part du lion des budgets des bibliothèques" (Bergstrom).

Les prix ont également tendance à augmenter après les fusions-acquisitions. Cette consolidation industrielle est la plus forte dans les domaines scientifiques, médicaux et techniques, qui ont également les prix de revues les plus élevés. Mark McCabe, économiste à Georgia Tech, a établi que « la taille du portefeuille (i.e., le nombre de revues publiées) d’un éditeur commercial est positivement corrélée aux prix de ses revues, et que les dernières fusions ont été associés à des prix plus élevés." Lorsque Reed Elsevier, l’un des plus grands éditeurs scientifiques, a acheté Pergamon, un petit éditeur, le prix moyen des journaux anciennement Pergamon a augmenté de 27% et ceux des journaux Reed Elsevier a augmenté de 5%. La fusion de Thomson et de West, deux éditeurs juridiques, a entraîné une augmentation de 30% des prix pratiqués par Thomson West, la société post-fusion. Cela s’est produit malgré une intervention du département U.S. de la Justice, qui a demandé à Thomson West de corriger certains "chevauchements de contenu" afin d’éviter toute pratique anticoncurrentielle.

On pourrait soutenir que, bien que les prix aient fortement augmenté, ils représentent l’évolution des coûts de ce secteur. Mais les faits ne vont pas dans ce sens. Tout d’abord, les bénéfices de ces éditeurs ont longtemps été dans une fourchette de 15 à 40%, ce qui indique que leurs revenus dépassent de beaucoup leurs coûts. Deuxièmement, les autres éditeurs de revues savantes n’ont pas augmenté leurs prix aussi rapidement, bien qu’ils aient vraisemblablement les mêmes coûts. Et en troisième lieu, le prix des livres savants, par opposition aux journaux, n’a pas augmenté aussi rapidement, pourtant, là encore, on peut présumer que l’édition de livres a des coûts similaires.

Pourquoi dans une économie de marché, une telle envolée des prix, et donc des bénéfices, a eu lieu ? Une première raison est que les consommateurs de ces revues savantes ne sont généralement pas ceux qui paient pour elles, et ne sont donc pas conscients des prix et y sont très peu sensibles. Les principaux consommateurs d’une revue savante en sont les éditeurs, les experts, les auteurs et lecteurs. Alors que chaque chercheur, en choisissant de participer à un journal, choisi également implicitement de soutenir le modèle économique de cette revue, les bibliothécaires ont généralement été incapables d’amener ces faits à l’attention des chercheurs et de les aider à voir comment ces choix influent directement sur leur intérêt propre et celui de la communauté dans son ensemble.

Deuxièmement, nous pouvons noter que le marché des revues scientifiques est très différent du marché du téléphone portable, ou de l’automobile ou de tout autre article de consommation habituel. Un journal donné a un niveau de prestige, généralement développé pendant des décennies, reposant sur la réputation de ses éditeurs, des experts, des auteurs, et sur la qualité et l’impact de ses articles. Il est extrêmement difficile pour un journal d’usurper le statut d’une autre revue. Bergstrom a souligné que les auteurs, les éditeurs, les comités de titularisation et de promotion [l’équivalent de nos comités de sélection et sections CNU], et les bibliothécaires jouent un jeu coopératif : "Dans un jeu coopératif, chaque joueur choisit une action parmi plusieurs alternatives, les gains de chaque joueur augmentant avec le nombre d’acteurs ayant fait le même choix. L’équilibre qui en résulte est tel que, compte tenu des choix des autres, aucun joueur ne peut obtenir de gain par le passage individuel à une autre action. Les jeux coopératifs possèdent généralement de nombreux équilibres dans chacun desquels tous les joueurs choisissent la même action. Aussi, le résultat du jeu peut conduire à un équilibre, même s’il existe un autre équilibre qui serait meilleur pour tout le monde et qui pourrait être atteint si tous les joueurs décidaient d’opter simultanément pour une autre action."

En d’autres termes, auteurs reconnus et éditeurs "coopèrent" à des revues prestigieuses, ce qui incite plus d’auteurs à chercher à y être publiés, ce qui à son tour incite les bibliothèques à s’abonner, rendant ces revues plus disponibles, qui à leur tour sont plus susceptibles d’être lues et citées, renforçant ainsi le prestige et l’impact de ces revues. Un statu quo s’enracine et, en l’absence de re-coopération en faveur d’un autre journal, cet état de choses peut persister, même lorsque "un autre équilibre ... serait meilleur pour tout le monde".

Troisièmement, le marché des revues académiques diffère du marché d’autres articles de consommation dans la mesure où il ne dispose pas d’un mécanisme de substitution, l’une des caractéristiques de la plupart des marchés, qui permettent de maintenir des prix concurrentiels. L’accès à un journal n’est pas équivalent à l’accès à un autre, même quand ils ont le même prestige et sont consacrés aux mêmes sujets. Si d’importants travaux sont en cours de publication dans le Journal A, à laquelle les membres d’une université veulent avoir accès, il ne sert à rien que la bibliothèque universitaire offre à la place le travail important publié dans le Journal B. Les chercheurs peuvent effectivement apprécier avoir également accès au Journal B - tout comme ils veulent avoir accès à autant de journaux que possible - mais un journal ne peut pas servir de substitut à un autre comme pourrait le faire un téléphone portable d’une marque pour un téléphone portable d’une autre marque. De telles conditions où la demande pour un produit particulier n’est que faiblement affectée par les hausses de prix, conduisent à ce que les économistes appellent « marché inélastique. »

Le corps universitaire, dans son ensemble, souhaite avoir accès au plus grand nombre de revues savantes possible. Les bibliothèques universitaires tentent donc de s’abonner à autant de journaux que leurs budgets leur permettent. Cela, combiné avec le fait que les revues, à la différence des livres, sont publiées sur la durée (en tant que série de numéros publiés consécutivement sans fin prévue), a suscité une stratégie très rationnelle et efficace de la part des grands éditeurs commerciaux. Les fusions-acquisitions ont été une partie de cette stratégie, car elles augmentent la taille de leur portefeuille. Un autre volet de cette stratégie a été de faire pression sur les bibliothèques pour passer de la version papier au format en ligne. A mesure que les revues sont passées en ligne, les grands éditeurs ont créé des bases de données qui peuvent être commercialisées comme des produits en tant que tels, indépendamment de chaque journal que ces bases de données peuvent comprendre. Pour le moment du moins, les bibliothèques ont toujours la possibilité de s’abonner à des journaux individuels, mais les éditeurs ajustent désormais les prix de leurs produits de telle manière qu’il est avantageux pour la bibliothèque, sur la base du prix par titre, de s’abonner aux bases de données composées d’un ensemble particulier de revues, ou à la totalité des revues de l’éditeur, plutôt que de faire un choix titre par titre. Parce que les bibliothèques désirent s’abonner au plus grand nombre de journaux possible dans les limites de leurs budgets, et que les prix sont fixés de sorte que très peu d’économies peuvent être faites par un choix sélectif, on comprend pourquoi la plupart des bibliothèques ont accepté ces forfaits.

Qu’apporte le regroupement de journaux aux éditeurs ? Tout d’abord, il remplace l’ancienne pratique consistant en des contrats d’abonnements. Dans la plupart des cas, les forfaits sont des contrats pluriannuels. Comme condition à l’abonnement, la bibliothèque est généralement tenue à une série de hausses de prix, définie dans le contrat, et est interdite de toute annulation de titres au cours de cette période. Les termes du contrat remplaçant le Fair Use [« l’usage raisonnable », règles du droit américain apportant des limitations et des exceptions au droit d’auteur] et d’autres dispositions du droit d’auteur, l’éditeur peut définir la façon dont le contenu peut être utilisé. (Et comme le contenu est fourni par voie électronique, il est important de noter qu’en général les bibliothèques ne paient que pour l’accès, pas pour la propriété du contenu. L’archivage et les autres droits à long terme sur le contenu varient selon le contrat).

En outre, le prix des forfaits n’est pas le même pour tous les clients mais est négocié au cas par cas, selon divers facteurs, dont les capacités de paiement de la bibliothèque, basées sur l’historique de ses abonnements. Une bibliothèque paie un prix pour avoir accès à un ensemble de revues, et une autre peut payer un prix supérieur ou inférieur pour un accès identique. Pour cette raison, les contrats peuvent comprendre une clause de non-divulgation, interdisant des bibliothèques de discuter avec d’autres des détails des contrats qu’elles ont signés. Les capacités de négociation des bibliothèques sont ainsi affaiblies par leur incapacité à évaluer le prix de marché des revues qu’elles achètent.

Enfin, le forfait fournit à l’éditeur une part du budget global de la bibliothèque plus grande que celle qu’il a pu avoir par le passé et, comme mentionné précédemment, il peut bloquer cette part que pour toute la durée du contrat pluriannuel. Cela réduit nécessairement les fonds de la bibliothèque disponibles pour l’achat d’abonnements à d’autres éditeurs. La limitation des parts de marché des concurrents est l’un des moyens à disposition d’une entreprise pour prospérer. Une autre solution est l’augmentation des profits. McCabe a fait valoir que le regroupement permet aux éditeurs d’augmenter les profits en exploitant l’inélasticité du marché mentionnée plus haut, car les titres les plus demandés de l’éditeur peuvent être livrés avec les moins demandés. Cela augmente le taux d’abonnement de ces derniers, qui sont souvent porteurs de marges bénéficiaires.

Certains des plus petits éditeurs, dont certaines sociétés savantes, ont vu les avantages du modèle de regroupement et commencent à l’utiliser aussi, mais la petite taille de leurs portefeuilles rendent leurs forfaits moins attrayant pour les bibliothèques. Un rapport de Morgan Stanley en 2002 a noté que "le leader du marché Reed devrait écraser le marché ... à mesure que les bibliothèques réduisent la part des fournisseurs périphériques qui ne peuvent pas grouper leurs revues aussi efficacement." "Réduire la part des fournisseurs périphériques", c’est annuler les abonnements aux revues publiées par les petits éditeurs. Pour reprendre un commentateur : « Les journaux produits par les petits éditeurs peuvent entrer dans un cercle vicieux par lequel ils perdent plus rapidement les abonnements, la diffusion et la circulation des travaux qui y sont publiés est réduite, entraînant une chute de facteur d’impact. A mesure que le facteur d’impact baisse, leur position descend sur la liste des « incontournables » des bibliothécaires, ce qui conduit à encore plus d’annulation, réduction de la diffusion et d’exposition, visibilité moindre, baisse d’utilisation, aggravement de la baisse d’impact, etc, etc. A l’inverse, les revues de grands éditeurs à faible impact ont élargi leur diffusion par le biais [du regroupement], conduisant à un impact plus grand et une position renforcée" (David Prosser, "Between a Rock and a Hard Place : The Big Squeeze for Small Publishers" Learned Publishing 17.1, 2004). Dans ces conditions, les sociétés savantes doivent sentir beaucoup de pression pour transférer leurs titres à de grands éditeurs.

McCabe fait remarquer que si les très grands éditeurs poursuivent leurs fusions-acquisitions, un éditeur STM (scientifique, technique et médical) ayant gagné 50% ou plus des journaux, « pourrait proposer de manière efficace : ‘vous pouvez soit dépenser la totalité de votre budget sur mes 60% du contenu STM, ou vous pouvez passer tout votre budget STM sur les 40% restant qui ne sont pas dans mon regroupement.’ ... Ce serait une offre [que les bibliothèques] ne pourraient pas refuser. » Si l’on considère que le coût réel de production de la recherche est supporté par la population, à travers les organismes gouvernementaux financés par l’impôt, ou par les institutions dont les bibliothèques mêmes sont désormais tenues de racheter les résultats, McCabe conclut : « Soyons clairs : nous parlons d’une véritable défaillance du marché » (in Richard Poynder, "A True Market Failure" Information Today, Dec. 2002). McCabe note qu’une telle situation ne peut se produire qu’en raison de la transition vers des journaux en ligne, qui a rendu le regroupement possible. Dans un marché basé sur l’impression, une bibliothèque pourrait toujours choisir de s’abonner à des revues titre par titre, même si la majorité d’entre eux sont détenus par un éditeur. "Une fois que les éditeurs auront éliminé l’option d’impression", note-t-il, "la tentation de poursuivre la stratégie de super fusion pourrait être difficilement résistible." En somme, "le marché des revues savantes dans sa composition actuelle semble être un de ceux pour lesquels en raison de ses particularités, la concurrence par les prix est faible ou quasi absente, quelques fournisseurs en position dominante en extraient d’énormes profits, et peu de mécanismes ‘d’autocorrection’ sont présents, si tant est que les marchés doivent servir l’intérêt public "(Richard Edwards and David Shulenburger, "The High Cost of Scholarly Journals" Change, Nov.-Dec. 2003). En fait, les universités sont prises dans une véritable situation perdante par le régime actuel du marché. Même si elles sont en mesure d’accroître les budgets de leurs bibliothèques plus rapidement que le budget académique général, les éditeurs commerciaux n’ont qu’à d’augmenter un peu plus leurs prix. Ceci est un résultat logique. Comme Edwards et Shulenburger l’ont observé, "dans un marché dans lequel la demande est inélastique, la réaction à ... plus de pouvoir d’achat est tout simplement un prix plus élevé." Bien qu’il soit possible pour les bibliothèques d’annuler les abonnements, les éditeurs ont calibré leurs prix de manière à ce que de 1% d’augmentation des prix entraîne une baisse d’abonnement de seulement 0,3%, ce qui leur permet encore de sortir gagnants. Et comme indiqué précédemment, le regroupement des contrats rend plus difficile l’annulation des abonnements par les bibliothèques.

Ce qui est bon pour les grands éditeurs commerciaux est fondamentalement en contradiction avec ce qui est bon pour le monde académique. Ce qui est bon pour le monde académique c’est une grande variété de revues d’une grande variété d’éditeurs, chacune offrant un travail précieux à un public aussi large que possible. Helena Norberg-Hodge, en parlant de changements qui se produisent au sein des communautés autochtones, remarque que « de plus en plus, les gens sont enfermés dans un système économique qui pompe les ressources de la périphérie [hors de la communauté] vers le centre [industriel] .... Souvent, ces ressources se retrouvent là d’où elles sont venues en tant que produits commerciaux à des prix ... [que la communauté] ne peut plus se permettre "(Helena Norberg-Hodge citée dans Wendell Berry, Sex, Economy, Freedom & Community, Pantheon, 1992). N’est-ce pas une bonne description des changements qui s’opèrent dans les communautés universitaires ?

Ceux qui dans le monde universitaire trouvent de cette tendance inquiétante proposent diverses solutions possibles : accès ouvert à l’édition, appui renouvelé pour les presses universitaires et de sociétés savantes, meilleure compréhension et amélioration de la gestion des droits d’auteur, etc. Mon point de vue est que le succès de ces efforts sera, au mieux, partiel. La transition de l’imprimé au journal électronique, actuellement en cours dans nos bibliothèques universitaires et encouragé par la quasi-totalité de ce que nous lisons et entendons, a été une étape essentielle vers l’accroissement de la domination du marché et les profits des grands éditeurs commerciaux. L’édition électronique, en utilisant certaines caractéristiques propres à la nature des revues universitaires, a permis la création de nouveaux produits (forfaits et bases de données) et leur vente par le biais de contrats, qui à leur tour, ont affaibli les petits éditeurs et les bibliothèques qui achètent les produits. Cela est vrai quel que soit le bien-fondé de l’édition électronique tel que mesuré par d’autres critères (économie d’espace, facilité d’utilisation, etc.) Si cet argument est correct, alors notre acquiescement à la transition aux revues électroniques sans sonder ces réalités économiques, est une réponse inadaptée aux conditions auxquelles nous sommes confrontés.