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REFORME DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS ET MODIFICATION DES CONCOURS
Analyse de la section Snesup de l’UCBN
mardi 25 novembre 2008
Le projet de masterisation des concours de recrutement des enseignants du premier et du second degré est censé répondre aux difficultés rencontrées par les jeunes collègues tout en répondant favorablement à de vieilles revendications syndicales, mais la réalité de la réforme est toute autre...
Masterisation et Concours

Le projet de masterisation des concours de recrutement des enseignants du premier et du second degré est censé répondre aux difficultés rencontrées par les jeunes collègues tout en répondant favorablement à de vieilles revendications syndicales :
- sanctionner la formation par un diplôme, le master,
- amener de ce fait les professeurs des écoles et les titulaires du CAPES à un degré de qualification (Bac+5 au lieu de Bac+3) et de rémunération supérieur,
- améliorer la formation des enseignants grâce à l’allongement de leurs études.

La réalité de la réforme est toute autre...

La création d’un diplôme universitaire de formation des enseignants du primaire et du secondaire permet donc de ne plus faire du concours et du statut de fonctionnaire qui lui est afférent la norme de ce recrutement.

Il suffit de faire baisser progressivement le nombre de postes au concours, tendance de ces dernières années, pour éteindre progressivement le corps des enseignants fonctionnaires. Les masters seraient délivrés en effet non seulement aux étudiants admis aux concours de recrutement de la fonction publique, mais aussi à d’autres ayant échoué au concours mais dont le niveau aux « partiels » correspondrait aux attentes des formateurs. Apparaîtra donc une nouvelle catégorie, les « reçus–collés » (reçus au master, collés au concours) qui, contrairement aux anciens maîtres-auxiliaires, aura reçu une forme de certification pédagogique. Ces professeurs précaires seront recrutés directement par les établissements, dont les proviseurs et les principaux verront leurs prérogatives étendues, comme la loi LRU l’a fait pour les présidents d’université Dès lors les garanties et obligations attachées à ce statut vont disparaître. Pourquoi faut-il s’en émouvoir ? Non pas comme certains veulent le faire croire uniquement pour défendre un statut protégé et une garantie de l’emploi sans contrepartie. Encore est-il légitime pour nous, syndicat, de nous battre pour exiger une meilleure protection des salariés et la garantie de leur emploi. La crise financière est là pour nous rappeler que ceux-là même qui prônent le risque en font assumer par d’autres, essentiellement la majorité des salariés et contribuables, les conséquences négatives. Il n’est donc nullement illégitime de se battre dans le contexte actuel pour la sécurité de l’emploi et contre la suppression d’un fonctionnaire sur deux, mesure affichée par le gouvernement qui montre bien la logique de cette réforme du recrutement des enseignants sur diplôme universitaire.

Mais au-delà de ce combat pour la sécurité de l’emploi il s’agit de rappeler pourquoi la république française s’est dotée d’un corps de fonctionnaires dans l’éducation comme dans d’autres domaines : pour assurer l’indépendance de ces agents de l’état dont la garantie d’emploi les met à couvert des pressions politiques et influences de toutes sortes. On sait à quel point cette indépendance est importante dans le domaine de l’éducation pour soustraire la formation aux pressions idéologiques et économiques. Par ailleurs le statut de fonctionnaire comporte des obligations justifiées par l’égalité de tous en matière de service public : l’obligation de participer à un mouvement départemental, académique ou national permet d’offrir partout sur le territoire des enseignants ayant reçu une formation identique et garantissant un même niveau de compétences. C’est cette logique du service public, fondée sur le statut de la fonction publique, ses droits et ses devoirs, qui est attaquée frontalement dans cette réforme du recrutement. On verra donc grossir considérablement le volant d’enseignants précaires, amenés à devenir la norme. L’accès à un enseignement de qualité sur l’ensemble du territoire ne sera plus garanti, ce qui est un facteur de creusement des inégalités sociales.

La réforme des lycées annoncée par X. Darcos permettra de faire des économies, notamment avec la réduction du volume horaire de cours pour les élèves (975 heures au lieu de 1100 en seconde) ; de plus, la modularisation rendra nombre de matières optionnelles au moins en partie. Les enseignements pourront être en partie fonction des disponibilités locales en enseignants, rendus encore plus flexibles par la bivalence (avec une réduction probable du nombre de CAPES, actuellement 22, au moyen de fusions entre disciplines).

Le niveau insuffisant de formation disciplinaire et pédagogique qu’induit la réforme va accentuer les inégalités.

Le caractère indigent du contenu des futurs concours s’explique d’autant mieux qu’on envisage leur disparition progressive. Concernant le contenu disciplinaire, le niveau d’exigence des futurs concours sera celui de la 3e année de licence. Les programmes des CAPES seront désormais ceux des collèges et des lycées , conception restrictive, voire sclérosante de la formation disciplinaire, qui ne peut être viable telle quelle dans certaines disciplines. Le contenu des épreuves surtout orales complètent ce tableau : une interrogation didactique sur le modèle des concours internes est prévue. Mais comment un jeune sans expérience pourrait-il improviser un cours pour plusieurs niveaux, même avec une formation accélérée ? L’autre épreuve orale porte sur la « connaissance du système éducatif », comme si cette connaissance, qui peut être acquise relativement rapidement, avait autant de poids que les compétences disciplinaires. On voit que l’oral ne laissera plus de place aux disciplines. Concernant la formation pédagogique, le projet prévoit la suppression de l’année de stage ; les jeunes recrutés enseigneront donc à plein temps dès leur première rentrée, sans autre formation qu’un stage limité effectué au cours du M1 ou du M2 et sans autre soutien qu’un vague « compagnonnage ». De plus, les étudiants devront attendre une année de plus, l’année du M2, avant d’être payés puisque l’année de stage disparaît, ce qui accroîtra les inégalités sociales. On notera au passage que les généreux projets pour rétablir les IPES ou d’autres systèmes permettant de financer les études de bons étudiants se destinant à l’enseignement, sont enterrés au profit d’une bourse au mérite dont les conditions d’attribution sont beaucoup moins attractives. Comment peut-on espérer attirer les meilleurs étudiants de certaines disciplines vers les carrières de l’enseignement alors qu’aucune mesure de revalorisation sérieuse n’est proposée et qu’on envisage la précarisation et la dévaluation en termes de compétences et de sélectivité du métier ?

Se trouve aussi aggravée la dualité d’un système universitaire déjà clivé entre écoles, filières sélectives et universités prestigieuses et bien dotées d’une part, universités de province, de moyenne importance et peu dotées d’autre part : de nombreuses universités ne pourront continuer à préparer l’agrégation déconnectée désormais du Capes. Dans certaines filières, les meilleurs étudiants les quitteront après la licence pour préparer l’agrégation dans quelques universités prestigieuses et y effectueront aussi leur parcours recherche. Ces enseignants, désormais destinés à enseigner en licence, seront affectés dans l’enseignement supérieur et leur formation de haut niveau, irrigué par la recherche, ne profitera plus à l’enseignement secondaire. Cette réforme s’inscrit donc d’abord dans une politique budgétaire de réduction des moyens et dans un démantèlement du service public de l’Education, qui est également illustré par le plan Campus, jouant sur la sélection et la mise en concurrence des universités. N’est plus reconnu le principe de l’égalité des citoyens sur l’ensemble du territoire dans l’accès à l’éducation.
C’est la richesse collective représentée par l’accès de tous à une éducation de qualité qui est menacée. Les discours gouvernementaux sur la nécessité de recourir à la régulation de l’Etat alors que s’abattent les méfaits de la dérégulation, sont en trompe l’œil. La réalité des réformes Pécresse-Darcos est celle de la dérégulation et du démantèlement du service public dans une logique de mise en concurrence et de service minimum pour les moins favorisés. Nous devons tenter d’élargir la protestation à tous les intéressés : Syndicats de l’enseignement primaire et secondaire, fédération de parents de l’Ecole publique, syndicats étudiants…

Un simple moratoire ne doit pas faire oublier l’essentiel : notre refus de voir disparaître avec le recrutement sur concours le statut de la fonction publique enseignante et les garanties de qualité et d’indépendance qui lui sont afférentes.

 
Post Scriptum :
Signez, faites signer les pétitions en ligne :
- Non à la Casse des Concours d’Ensseignement (UCBN)
- Appel du 8 Novembre (pétition nationale)